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Métiers du grain : les solutions passées au crible

Les métiers du grain, et en particulier la ventilation, sont très énergivores. Bonne nouvelle, il est possible de réduire la facture, sans forcément casser sa tirelire. Retours d’experts et témoignages de coopératives et de négoces.

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« La ventilation, c’est le premier poste de dépense, explique Vincent Bernard, délégué régional de Négoce Ouest. En plus, pendant l’arrière-saison 2022, les températures ont été très élevées. » De quoi donner des sueurs froides aux OS, dont certains ont vu leurs contrats d’énergie flamber. D’audits réalisés dans plus d’une centaine de silos et de séchoirs, La Coopération agricole Solutions+ a pu tirer des chiffres sur les consommations (lire l’infographie). Sans surprise, le séchage et la ventilation ressortent comme les postes les plus énergivores. « Lorsque les silos ne disposent pas de séchoirs, la part de la ventilation de conservation tend à être supérieure. Dans certains cas, celle-ci représente jusqu’à 80 % de la consommation électrique globale », précise Solutions+ dans son livre blanc sur le sujet, paru en 2022. Sur 15 silos, un profil moyen de la consommation électrique annuelle a été établi : il montre qu’elle se concentre en octobre (20 %), en novembre (près de 18 %), juillet et septembre (près de 10 % chacun). Soit plus de la moitié de l’électricité consommée sur quatre mois.

Comprendre ses consommations

« Avant de travailler pour faire des économies, il faut savoir ce qui coûte cher, conseille Sandrine Hallot, directrice pôle produits, marché et services à la FNA. C’est-à-dire regarder l’historique des consommations : comment se répartissent-elles en fonction de l’automne ou de l’hiver, du jour et de la nuit ? » Des données à mettre en face des contrats, à faire évoluer dans la mesure du possible. « Ensuite, on peut réfléchir à modifier ses plages horaires d’activité », indique-t-elle, en donnant le même conseil pour les outils : « En connaissant leur consommation, on peut réfléchir aux actions à mettre en place. » Pour mesurer ses consommations, plusieurs outils existent. « Un compteur triphasé, que l’on peut trouver en vente sur internet pour un prix autour de 80 €, permet des mesures équipement par équipement. Par exemple, on regarde le nombre de kilowattheures consommés par trois ventilateurs, en rapportant pour chacun au nombre de cellules ventilées. » L’installation d’un compteur intermédiaire, par un électricien, est aussi possible, même si plus coûteuse.

L’analyse des points 10 minutes

Enfin, des solutions clé en main existent, comme la plateforme Studeo du cabinet de conseil Studeffi, qui accompagne plusieurs négociants, notamment dans l’Ouest. Studeo permet un suivi en temps réel des consommations, basé notamment sur l’analyse des points 10 minutes fournis par le distributeur d’électricité, Enedis le plus souvent. C’est aussi le cas d’OptiElec, l’outil de Solutions + (lire page 32). « L’objectif, c’est de savoir où l’on met les pieds », résume Sandrine Hallot. David Salardaine, consultant senior chez LCA Solutions +, tient le même discours. Pour lui, la connaissance des talons de consommation des sites est un préalable indispensable pour faire baisser la facture. « Il faut savoir s’il y a un enjeu ou non sur un silo, à quel niveau on se situe. » Il prend l’exemple d’un site où le talon a révélé une consommation anormale, liée après enquête à la commande automatique défectueuse d’un compresseur. Censé s’éteindre après le départ des salariés et se remettre en marche avant leur arrivée, il fonctionnait en fait toute la nuit, sans que le personnel puisse s’en rendre compte. « On peut économiser 5 à 10 % d’électricité sans investir, avec des actions de régulation, analyse Alexis Ribeau, technico-commercial chez Studeffi. Par exemple en modifiant la plage de fonctionnement d’un compresseur d’air pour qu’il ne tourne que s’il y a un réel besoin. »

« Connaître les talons de consommation, un préalable indispensable »

Réduire la consommation en heures pleines

Reste ensuite à mettre en place des aménagements, notamment pour la ventilation : soit en partant avec des solutions clé en main, comme le propose Javelot, ou avec des outils plus modestes. « Pour un coût assez limité, on peut faire des économies », met en avant Sandrine Hallot. Thermostats pour mesurer l’écart entre la température de ventilation et l’extérieur et horloges ont la cote chez les OS, pour optimiser, voire baisser les temps de ventilation. C’est le cas dans les silos de la coopérative Cérèsia. L’objectif y est de réduire la consommation pendant les périodes de tarification les plus élevées, en heures de pointe, en la décalant sur les heures pleines, à compter de 10 h, voire les heures creuses la nuit, qui sont les moins chères. L’outil de ventilation est ainsi optimisé en couplant des sondes de températures avec des horloges pour respecter les heures creuses.

Installer des thermostats

« En matière de conservation des grains, il ne faut pas perdre de vue que toute action sur la consommation d’énergie doit avoir un impact positif sur les autres objectifs, notamment les insectes », rappelle David Salardaine. Avec un premier levier à actionner : l’installation de thermostats. Si, pour lui, la majorité des sites de stockage importants disposent de sondes de température dans le grain, la situation est tout autre pour les thermostats afin de piloter la ventilation. « Beaucoup la mettent en marche au moment du départ de l’agent de silo, à 18 h, même s’il fait trop chaud, ou alors ils sont équipés d’une horloge qui déclenche la ventilation, mais avec le risque de trop chauffer en début de nuit, observe David Salardaine. De manière approximative, chez les coopératives, je dirais qu’un tiers des silos ne disposent pas de thermostat pour la ventilation, un tiers en disposent mais ne l’utilisent pas à bon escient et un tiers l’utilisent bien ». À l’été 2022, en déployant OptiVentil, les experts Solutions + se sont rendu compte du nombre conséquent de périodes de froid non utilisées. « On ne soupçonnait pas qu’il y en avait autant, indique David Salardaine. On perd du temps pour arriver au palier de 20 °C et donc on perd en efficacité, et en plus en hiver, à partir de novembre, l’électricité est plus chère. » Pour le spécialiste, il ne faut pas hésiter à s’équiper, et à ventiler l’été en heures pleines et pas seulement la nuit en heures creuses, lorsque la température extérieure le permet.

« Un tiers des silos ne disposent pas de thermostat pour la ventilation »

Automatiser le temps de ventilation

Côté matériels, plusieurs offres existent. Fontaine silo, société belge à quelques kilomètres de la frontière, propose des sondes mobiles ou fixes, filaires ou non, connectées ou non. « Nous avons toutes les gammes de prix », précise Jean-François Fontaine, à sa tête. Des boîtiers peuvent être ajoutés pour mettre en route automatiquement la ventilation, en fonction de la température du grain, de la température ambiante, de l’heure, voire de l’humidité relative de l’air, pour un pilotage encore plus fin. « L’automatisation permet de travailler sans présence, appuie-t-il. On réduit ainsi le temps de ventilation », générant des économies. Son module d’automatisation le plus vendu, le LVC 30, est à 590 € hors TVA. Il comprend le boîtier contrôlant les écarts de température, un capteur de température avec câble, et un contacteur, auquel il faut rajouter les sondes.

Des solutions clé en main

Javelot est, elle, connue pour ses solutions clé en main, dont l’objectif premier, rappelle son cofondateur et dirigeant, Félix Bonduelle, est d’optimiser la conservation du grain, pas de faire des économies d’énergie, même si, au final, les outils en font. « Les économies générées sont très hétérogènes, indique Félix Bonduelle. Sur un site, on est monté jusqu’à 70 %, en corrigeant des biais. » Il cite aussi un site où le grain, surventilé toute la nuit, était finalement réchauffé pour être ensuite refroidi. Au négoce Pelé, dans le Maine-et-Loire, le PDG Denis Pelé en est satisfait : « Nous travaillons avec Javelot depuis deux ans et nous sommes sur des baisses de la consommation d’énergie à deux chiffres. Ainsi, sur décembre 2022, pour nos deux silos principaux, nous avons réduit de 30 % notre consommation d’énergie par rapport à décembre 2021. » Chez Piveteau, en Charente, c’est aussi Javelot qui a été choisi. « Nous avions très peu de sondes de températures », raconte Gérard Piveteau, directeur du groupe. Le déclenchement de la ventilation sera désormais automatique, selon les températures. « On va réduire considérablement l’utilisation des ventilateurs, prévoit Matthieu Dufour, responsable d’exploitation au négoce. Actuellement, ils sont allumés à 18 h et éteints à 8 h. » Côté coût, l’investissement de départ représente 1 €/t, avec une redevance annuelle de 0,60 €/t. L’offre comprend le matériel, l’accès à la plateforme de pilotage en ligne, une analyse mensuelle, des alertes, et la formation des opérateurs. « L’information vient à nous », se satisfait Matthieu Dufour. Les économies estimées sont de l’ordre de 30 %. « On peut aussi détecter le niveau de remplissage de chaque silo, cela va nous aider pour la gestion des stocks », ajoute Gérard Piveteau.

Logistique du séchage

Côté séchage, réalisé principalement avec du gaz, des économies sont aussi possibles. David Salardaine conseille de calculer la consommation de gaz par quantité d’eau évaporée, pour avoir un indicateur de l’efficacité du séchoir. L’organisation logistique a aussi son importance, car après la moisson, plus le séchage tarde, plus il y a de problèmes d’humidité dans le grain. Prévenir l’agent de silo de la date de sortie lui permet aussi de s’organiser, en adaptant l’humidité de sortie du séchoir : il va pouvoir sortir plus humides les lots dont il sait qu’ils seront stockés longtemps, et utiliser le pouvoir asséchant de la ventilation du silo pour finir le séchage au silo a un coût plus faible. « Et l’enjeu le plus important, c’est le pilotage du séchoir en lui-même, note David Salardaine. Il faut éviter de sursécher : si l’objectif est de 15 % d’humidité et qu’on sort le grain à 13 %, on a moins de produit à vendre et on a consommé plus de gaz. » À la coopérative Océalia, le nombre de séchoirs a été réduit, pour se concentrer sur les plus gros. « Nous travaillons aussi sur l’isolation de nos installations, et les panoplies de gaz, comme les brûleurs, sont renouvelées au fur et à mesure des innovations technologiques pour optimiser les consommations », indique Christian-Manuel Huni. La consommation est suivie en temps réel, comme pour les silos. 40 sites sont équipés avec OptiVentil, l’outil de Solutions +, soit 25 à 30 % des installations, « et on va encore élargir le spectre », prévoit le DGA. Au-delà des sites, adapter son organisation est un autre levier. « Par exemple, en faisant le chargement et la préparation à l’expédition à des périodes où l’électricité est moins chère, en évitant les créneaux 8-10 h et 18-20 h », illustre Antoine Hacard, président de Cérèsia et de LCA Métiers du grain.

« Éviter les chargements sur les créneaux 8-10 h et 18-20 h »

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